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La Construction identitaire

La Construction identitaire, enjeu majeur de l’éducation

 

Que signifie se construire en tant qu’être humain ? C’est bâtir sa maison intérieure.

Bien sûr, cela ne se voit pas à l’extérieur, , et pourtant il s’agit de la construction essentielle de la vie, celle que l’on emmènera partout avec soi.

Dans un monde matérialiste, orienté vers le divertissement (dont l’étymologie signifie tourner le dos, autrement dit se détourner des sujets sérieux qui nous préoccupent), construire une personne humaine épanouie relève du parcours du combattant.

 

L’Histoire de l’Humanité nous enseigne que les êtres humains sont capables du meilleur comme du pire. Prenons en exemple pour le meilleur, l’âge d’or dans chaque civilisation telle que l’époque

médiévale dans notre culture française, qui voit naître l’édification des cathédrales, signe tangible d’un désir collectif d’élévation, avec la fine pointe des clochers orientée vers le ciel. Mais aussi du pire, cela les guerres en témoignent.

La manifestation extérieure prend naissance à l’intérieur de chacun de nous. C’est comme un débordement d’amour ou de peur.

 

La construction identitaire, à mon sens, doit se faire dans un cadre sécurisant et aimant, autrement dit, bienveillant. Ce n’est pas confronter l’enfant à des difficultés, qui le rend plus fort, ce qui le rend plus fort c’est d’accepter d’être ce qu’il est à chaque instant de sa vie, et cela signifie d’accepter d’être faible aussi parfois : Être fort c’est accepter d’être faible. La vie le placera forcément dans des difficultés : c’est d’ailleurs par ces difficultés données par la vie et non par ses éducateurs, qui lui permettront comme les marches d’un escalier servent à s’élever, de fortifier sa construction intérieure, en développant de la vaillance.

 

La construction identitaire c’est à la fois protection (dans son for intérieur) et ouverture à la vie (pour permettre à l’édification de s’agrandir, voir même de devenir château).

 

Accompagner l’être humain en construction dans sa vérité de chaque instant, l’amène droit à la Vérité (accès au monde supérieur dans la recherche platonicienne ou encore référence à Jésus-Christ dans l’évangile de Jean verset 8 :32 : …Vous connaîtrez la vérité, et la Vérité vous rendra libre….)

L’on ne peut se construire que sur la Vérité et cela passe par la vérité en soi.

Ce qui déstructure un être humain, c’est de lui enlever sa capacité de sentir et de penser par lui-même. (Attention les différents conditionnements sociaux le déconnectent de sa sensibilité initiale si elle n’est pas préservée par les éducateurs).

 

C’est en restant connecté à son ressenti et à sa capacité de penser qu’un être apprend à développer l’intelligence du cœur (organe royal au centre de l’être pourvu d’intuition) et à connaître son propre désir.

La construction identitaire est très liée au désir que l’on porte en soi.

A partir du moment, où l’on contraint le désir, il y a emprise.

L’emprise est un empêchement d’atteindre la maturité de l’être.

 

Le contentement de l’ être humain réside dans la satisfaction de ses désirs essentiels. Si les désirs essentiels sont comblés (Confère la pyramide de Maslow), la personne accède à un désir qui est débordement d’amour : elle passe d’un désir témoignant un manque à un désir de reliance depuis le cœur de l’être vers le cœur des autres êtres autrement dit un désir de lien d’amour. Elle passe de la personne qui n’est personne à l’individu avec sa manière propre d’aimer et de se relier. L’individu apporte de la délicatesse au monde. N.B : L’individualité peut être atteinte très jeune et ne jamais être perdue (elle requiert des forces morales pour la préserver). Exemple de Sophie Marceau ou de la très jeune princesse dans Azur et Azmar, toute pleine de sagesse du haut de ses 7 ans.

Le désir d’un être humain évolue ou s’affine (l’on ne désire pas la même chose à tous les âges sauf peut-être celui d’aimer et d’être aimé qui sous-tend notre chemin à celui qui est attentif).

La construction identitaire n’est donc pas figée ou atteinte une fois pour toute mais en évolution permanente jusqu’à atteindre son individualité. C’est une étape de liberté d’être qui l’on est, où la construction identitaire s’affine encore mais la maison est solidement bâtie. A cette étape il n’y a plus de risque de perdre son âme, la mission de vie est atteinte, le cœur de sa personnalité révélée.

 

Si la construction identitaire est très liée au désir, elle n’est pas la réalisation du désir ou la compétence acquise. Par exemple, un être qui est devenu médecin ou joueur de tennis car il le désirait, il ne l’est que dans un temps limité : il l’est tant qu’il peut exercer mais l’âge ou un accident peut entraver sa capacité. Si son identité de médecin ou de joueur de tennis devenait révolue, sa construction identitaire, c’est-à-dire sa personnalité réelle est toujours vivante car elle réside dans l’expérimentation recueillie.

La construction identitaire se fait par un retour à soi régulier entre l’expérimentation dans la matière et le recueillement de l’être dans une solitude féconde.

L’être humain construit est celui qui est centré : il vit des expériences sans être identifié à celles-ci : il y a l’expression en français « être dans son assiette » (expression signifiant être dans un équilibre physique et moral, le mot assiette venant du substantif du verbe asseoir).

 

C’est en cela, que l’être humain est inexploitable, il n’est pas qu’un médecin au service d’un système et de tous, mais sa propre conscience doit être souveraine.

Il doit avoir les conditions de faire les choses en son âme et conscience et non sous le diktat de l’efficacité.

Aider un être humain à construire son identité revient à le mettre dans les conditions qui lui permettent d’agir en son âme et conscience avec des moments nécessaires de temps d’inaction.

 

Plus un être humain fait retour à soi et identifie son désir réel et puissant, plus il est vivant.

Henry de Montherlant l’exprime ainsi : « Vive qui m’abandonne, il me rend à moi-même ».

La vraie construction identitaire c’est un ensemble de pépites d’or recueillies au fond de soi en tamisant le sable de la rivière de la vie.

Ce travail intérieur loin de nous alourdir, nous rend plus léger chaque jour et au gré des pépites trouvées sur le chemin de la Vie, il nous ouvre à notre pureté originelle, d’où tout est possible.

 

Un tel être a bénéficié d’une éducation édifiante (peut-être en autodidacte) : éduquer, étymologie latine ex ducere signifie conduire hors de . Il a été conduit hors de la prison dans laquelle il est tombé dans ce monde où son désir était englué dans toutes sortes de divertissements. Prenons le cas d’Ulysse qui a fait preuve d’intelligence en se faisant attacher au mât de son bateau afin de ne pas être captivé définitivement par les voix envoûtantes des sirènes, qui auraient mis un terme à son désir de retour en Ithaque. Il s’en est tenu à son désir essentiel du retour à la maison : Ulysse retrouve Pénélope,  car cet amour a tellement nourri l’être qu’il en garde la saveur toute sa vie : l’amour vrai ne ternit pas et permet de garder la confiance.

Désormais un être construit sait comment retrouver le chemin dans la profondeur de son corps (tel un fil d’Ariane), qui lui ouvre un champ de conscience très vaste, nouveau, intéressant.

 

Après parfois être passé par tout un parcours d’embûches, tel le vilain petit canard d’Andersen.

Il jouit dorénavant d’une bonne estime de lui-même car il sait retrouver dans le secret de son cœur, à tout moment (ou plus exactement dans des conditions particulières : solitude, calme), l’accès à la Grande Vie.

La construction identitaire lui aura servi à ne pas tomber dans la peur et la domination (des dogmes).

 

N.B : Certains profils de personnalités n’ont pas « pu » construire même les prémices de leur identité : ils ne sont même pas dans la phase initiale, ils restent à un stade larvaire où tout construction identitaire est empêchée par la mise en place d’un système de défense, un rempart contre toute ingérence émotionnelle qui leur ferait éventuellement revivre leur traumatisme initial de la petite enfance. Il s’agit des profils manipulateurs narcissiques : ils sont du coup dans une logique de domination, très destructrice pour leurs proches. A défaut d’avoir une saine estime d’eux-mêmes, ils accaparent l’attention des autres, tout en essayant de leur voler leurs belles qualités morales dont ils sont dépourvus par une manipulation psychologique qui s’appuie sur la remise en question des ressentis de l’autre. Ils ne recherchent même plus leur désir essentiel, vides comme ils sont, recherche ruinée par le traumatisme dans la petite enfance, durant lequel ils ont fait le choix de ne plus rien ressentir, se privant du matériel de construction : il n’y a pas de fondations solides pour construire la maison. Il n’y a qu’une belle façade qui cache un vide sidéral, gouffre dans lequel peuvent tomber leur victime qui dotée de la capacité d’aimer et par générosité offre leur intériorité en cours de construction et se font tout voler jusqu’à perdre leur âme dans les tréfonds du néant.

On peut cacher par un buisson piquant l’entrée de sa demeure intérieure pour repousser des êtres malfaisants car mal-construits qui viendraient détruire sans scrupule toute la construction dans un moment de faiblesse de leur hôte.

 

C’est là qu’entre en compte dans la construction identitaire la nécessité de discerner ce qui relève de soi et ce qui relève de l’autre. Les êtres humains de notre époque subissent tant de pressions qu’il est bon de discerner là où incombe son réel devoir et sauvegarder son libre-arbitre et sa disponibilité pour être à l’écoute des profondeurs de son être. Une psychanalyse est une précieuse aide pour celui qui est à la recherche de son trésor intérieur. Pendant longtemps, la construction identitaire passe par le regard de l’autre, en quête de validation, puisse l’être en construction trouver un éducateur lui renvoyant une image véritable, au lieu de se fourvoyer dans le labyrinthe de la vie psychique.

Le psychanalyste, selon son degré de sagesse peut être cet éducateur.

 

La construction identitaire procède d’un travail de séparation du subtil et de l’épais en vue d’un plus grand discernement.

Toute expérience de vie impacte pour celui qui est ouvert d’esprit son rapport au monde, c’est ainsi qu’il affine son intelligence et ses perceptions et qu’il ouvre sa conscience à l’universel et est de moins en moins impacté par l’épais, car sa lecture du monde devient plus fiable au fur et à mesure qu’il avance et le dégage de la peur au profit d’un plus grand discernement.

Il y a des degrés dans la construction de l’être.

A ce stade de sa construction, l’être devient en symbiose avec le Vivant: sa maison se fond dans le paysage.

Il faut passer par toutes sortes d’expériences pour être quelqu’un de solide, quelqu’un qui fait face, quelqu’un capable de répondre, de se positionner.

Ne pas être dénué de présence, ni se fondre dans la masse.

S’élever singulièrement, faire entendre sa voix qui vient du plus profond de son cœur, comme l’oiseau qui chante et laisse à tous entendre son chant.

Arriver vers l’unicité de son être, c’est se montrer intelligible, capable d’interaction avec les autres et la construction identitaire nous permet d’être identifié par nos pairs par notre singularité.

L’on porte tous en soi une différence qui demande à être vécue afin d’atteindre à sa singularité.

 

La construction identitaire est quelque chose d’invisible mais d’essentiel.

On ne peut pas l’évaluer par des notes, mais la sentir par la manière dont la personne se positionne et se sent heureuse.

La construction identitaire sert à être une personne libre et heureuse. On dit que les gens heureux n’ont pas d’histoire : il serait plus juste de dire que les gens heureux n’ont plus d’histoire. Dans son livre « Détache-moi, le Pr Marcel Rufo, pédopsychiatre écrit à la page 198 : « S’approprier ses origines, c’est pouvoir être soi. On ne peut se séparer que de ce que l’on possède.

Dans le fond, tout le travail de l’enfant ressemble à cela : s’approprier son passé et sa famille pour pouvoir s’en séparer un jour. L’enfant propriétaire de sa famille plutôt que propriété de ses parents, voilà qui ouvre des horizons de liberté. »

Il y a en effet un long travail de maturation en venant dans ce monde, pour s’approprier son nom, son histoire familiale, sa culture peut-être y trouver du sens pour y prendre sa juste place et pour s’en détacher puis aller plus loin jusqu’à embrasser tout l’univers.

Pour Avoir le cœur assez grand, il faut mettre sa vie en ordre : c’est un grand travail d’introspection mais l’amour est la clé qui ouvre tout l’univers du monde vivant.

 

La construction identitaire va au-delà de notre petite personne, elle est un socle pour les générations suivantes (sur tout le lien transgénérationnel), un ancrage énergétique où d’autres personnes pourront croître car un arbre sain porte beaucoup de fruits.

Matthieu 16 :19 : Je te donnerai les clefs du royaume des cieux : ce que tu lieras sur la terre sera lié dans les cieux, et ce que tu délieras sur la terre sera délié dans les cieux.

Il y a bien un travail à entreprendre en vue de notre libération, qui aura une incidence sur nos ascendants et descendants. Être né sur Terre est un insigne honneur en vue d’une grande évolution.

Côtoyer des êtres évolués fait progresser.

 

La construction identitaire, en suivant le chemin du désir du cœur, est la clé qui ouvre un coffre-fort rempli de nourriture céleste, vivifiante pour tous ceux qui s’approchent, telle la coupe d’abondance.

Un individu bien construit recèle une sagesse et la Vie subvient à ses besoins, pourvu qu’il continue de suivre son cœur. Il est un hymne à la joie pour ceux qui l’entourent. Il pourra se faire tabasser comme le jeune berger dans l’Alchimiste de Paulo Coehlo par les jaloux qui n’ont pas son courage d’avoir été au bout de son rêve, cela ne l’ébranlera pas, il ne peut plus désespérer: la construction est solide. Un coffre-fort est hébergé dans le château de son âme.

 

Puissions-nous être de bons éducateurs, pour le plus grand bonheur de tous.

 

Soyons en effet de bons éducateurs afin que les êtres qui nous entourent, que nous aimons, puissent construire une belle maison intérieure qui s’élève vers le ciel, comme l’escalier en colimaçon, qui monte de la Terre au Ciel, tel le château de Neuschwanstein en Bavière, puis dans une second temps une demeure qui se fonde dans le paysage, telle la maison troglodyte près d’Ostriconi en Corse, pour finir par transporter sa maison partout avec soi dans le voyage qu’est la vie, tel l’escargot, et enfin continuer en devenant soi-même le colimaçon en évolution permanente et revêtir pour seule demeure un vêtement invisible fait d’énergies de plus en plus fines, qui confère une présence.

 

La maison s’allège au fur et à mesure du chemin de vie : dans un premier temps, le contact avec le monde ne nous laisse pas indifférent : il crée une attirance ou une répulsion, nous voulons pour nous ce qui nous plaît et nous repoussons ce qui nous déplaît, ce qui engendre une captation qui se matérialise par ajouter une pierre à notre construction intérieure. J’incorpore cela à ma personne ou je le rejette. Cette volonté de prendre représente notre ouverture à une expérience nouvelle et peut se symboliser par une marche supplémentaire qui vient d’être créée.

Tout comme l’escalier en colimaçon, qui monte de la Terre au Ciel, notre ascension se poursuit jusqu’à atteindre le cœur de notre personnalité qui est d’utiliser 100% de nos capacités. Construire une marche supplémentaire c’est comme ajouter une corde supplémentaire à son arc.

Le centre de la spirale du colimaçon représente la conscience témoin, qui n’est pas affectée, source de toute manifestation.

Après avoir expérimenté ses différentes aptitudes, l’être humain trouve sa place parmi le monde vivant et sa maison se fond désormais dans le paysage. Puis il passe de la construction extérieure à la construction intérieure, comme l’escargot fait corps avec sa maison : il a incorporé son vécu à sa personne.

 

La maison est construite : il l’emporte partout avec lui.

 

Et enfin il devient demeure, refuge pour ceux qui l’approchent, car son unique demeure, construite d’énergie subtile est invisible mais bien réelle : elle confère une forte présence qui est pure joie.

 

La construction d’un être humain singulier, enjeu majeur de l’éducation.

 

Ingrid, Octobre 2022